Le Patrimoine Militaire

Après les tumultes de la guerre de Cent Ans et le désastre d’Azincourt, la ville d’Aire passe sous la domination bourguignonne puis espagnole de 1499 à 1676. Son importance militaire s’accroît après que Charles Quint eut rasé Thérouanne en 1553. Mais dès 1542, des innovations dans l’art des fortifications apparaissent; l’ancienne muraille moyenâgeuse est renforcée, les tours semi-circulaires sont remplacées par des bsations de forme polygonale et l’organisation même d’une garnison opérationnelle est prévue.

A l’époque de François 1er et de Louis XIII, les logements militaires étaient inexistants ou très rares. Le soldat ne recevait ni gîte ni couvert. Seuls les Espagnols furent des précurceurs en construisant dans la première moitié du XVIIe siècle quelques casernements ou baraques dans leurs places fortes du Nord, notamment à Aire. Les casernes Taix et Listenois, anciennement casernes du Canon et de l’Arbalète, auraient d’abord été édifiées par ordre de Philippe IV d’Espagne. Mais après le siège de 1676, Aire redevenait française et Louis XIV apporta à la défence de la frontière un atout décisif en donnant aux armées un caractère permanent et en organisant avec vigueur cette institution.

C’est ainsi que les casernes d’Aire furent reconstruites et Vauban qui avait réalisé les citadelles de Lille et d’Arras en 1668 et 1670 lança dès 1679 les premeirs programmes spécialisés de logements de troupes. Les casernes Taix et Listenois représentent le casernement type de Vauban.

Celui-ci imagina un plan préétabli sue l’on retrouve dans toutes les anciennes villes de garnison de France et de Navarre. Le plan type de caserne à la Vauban constitue en une cellule élémentaire verticale. Cet ensemble comprend une cage d’escalier centrale, encadrée à chaque niveau de quatre chambrées de douze hommes ; une cheminée assure le chauffage et la cuisson des aliments.

Ainsi sur trois niveaux : le rez-de-chaussée, le premier étage et les combles, on pouvait loger trois fois quarante-huit hommes : soit cent quarante-quatre soldats, ce qui correspondait à l’effectif d’une compagnie d’infanterie. Chaque chambrée de douze hommes n’était meublée que de quatre lits et les soldats préparaient eux-mêmes leurs repas car dans ces nouveaux casernements il n’y avait ni réfectoire, ni cuisine. Les lieux d’aisance étaient à l’extérieur du bâtiment au pied du rempart.

Malgré quelques insuffisances de confort, ces logements apportaient à la troupe un bien-être jusqu’ici inconnu. Quand ils n’étaient pas hébergés chez l’habitant, les soldats vivaient sous tentes, dans des baraques de fortune et même dans des huttes. Ces nouveaux bâtiments firent l’admiration de nombreux ambassadeurs étrangers qui louaient Louis XIV pour son sens aigu de l’organisation militaire.

Les casernes

La caserne de Listenois, selon le Plan Relief de 1745, comprenait trois cellules verticales accolées. Les officiers étaient logés dans un pavillon attenant au corps de la caserne et placé en extremité, rue des Tanneurs. Chaque officier avait droit à deux pièces : une chambre et son antichambre, ouvrant sur un couloir. La caserne Taix, indépendante et séparée autrefois de la caserne de Listenois par un îlot d’habitations civiles, était à l’origine une caserne de cavalerie.

On peut encore observer l’emplacement des anciennes écuries : quelques abreuvoirs en pierre subsistent. La disposition des cellules verticales suit le même dessin que celui de la caserne voisine mais les ouvertures du rez-de-chaussée diffèrent. En effet, ce niveau est réservé aux chevaux, les hommes toujours en chambrées de douze occupent le premier et le deuxième étage. Deux pavillons d’officiers encadrent à chaque extrémitéle corps principal de ce bâtiment. Le matériau de construction est la brique que l’on façonnait et cuisait sur place. les bois des charpentes proviennent probablement de la forêt de Thiennes car Vauban avait passé des contrats avec des marchands de bois qui travailllaient avec les bûcherons de cette forêt pour l’édification de la Citadelle de Lille.

Seule la façade de la caserne de Listenois est en pierre. Cette façade, rue des Tanneurs , est d’une belle ordonnance classique avec ses pilastres et ses ouvertures symétriques ; elle reflète bien la volonté de la monarchie française : magnifier la puissance et l’autorité de Roi-Soleil auprès des Airois récemment soumis. Il est dommage qu’un manque de crédits, dès la construction, nous prive des chapiteuax qui n’ont jamais été sculptés.

La Poudrière

Exceptionnellement, depuis trois siècles, cet édifice n’a pas subi de modifications. Le magasin à poudre est issu d’un plan-type de longueur variable selon ma capacité recherchée et Vauban en a réalisé un grand nombre. Construit à ” l’épreuve de la bombe “, le magasin à poudre d’Aire est donc implanté dans un bastion creux à l’écart de l’agglomération pour d’évidentes raisons de sécurité et entouré par une enceinte d’isolement destinée à éviter la malveillance ou l’accident. La poudrière d’Aire-sur-la-Lys est la seule en France à avoir conservé son mur d’isolement en briques, chapeauté d’un lit de pierre. Le magasin à poudre est constitué d’une épaisse voûte en ogive, s’appuyant sur des piédroits massifs, épaulés de chaque côté par trois puissants contreforts qui, selon les calculs de Vauban, viennent équilibrer les poussées latérales et sommitales.

D’après le réglement militaire du ” Grand Siècle “, la poudre était stockée dans des tonneaux disposés sur un plancher qui isole de l’humidité. Dans la maçonnerie, des évents en chicane assurent l’aération. Ce que craignait la poudre après l’humidité, c’était le feu. Les clous, les gonds et les serrures de la porte et des lucarnes opposées en pignon étaient en bronze pour éviter toute étincelle pouvant déclencher l’explosion. Les magasiniers préposés au stokage des barils de poudre à canon et à mousquet, ne pouvaient pénétrer dans la poudrière qu’en sabots de bois non cloutés afin d’éliminer tout risque d’incendie.

L’entrée fortifiée de la Lys

Vers 1200, Aire fut entourée de remparts. Mais les entrées constituaient le point faible des fortifications, aussi étaient-elles l’objet de soins particuliers. La Lys entre dans Aire à l’ouest de la ville. Cette entrée fut fortifiée par la Tour de Beaulieu qui était reliée au Château par un mur d’enceinte. Au XVIe siècle Charles Quint, devant la menace de la garnison française de Thérouanne, fit construire un bastion pour renforcer la défense et protéger la porte. Vestige de l’enceinte médiévale, la porte fortifiée de la Lys dresse son imposante silhouette sur la face occidentale de la ville. La rivière pénètre maintenant par deux arches en ” ogives versées “. Chaque arche renferme un logement dans lequel descendaient des herses – grilles armées de pointes qu’on abaissait pour empêcher l’accès à la placeforte.

La Lys emprunte ensuite un passage souterrain d’environ cinquante mètres dont la voûte est en briques et en grès. La porte de Beaulieu, entièrement en briques, est flanquée de deux tours circulaires. Elle est canalisée sur une centaine de mètres en amont de la porte. Les batardeaux ont conservé leur chapeau ou cape disposé en dos d’âne pour empêcher qu’on y passât. Une dame double de fortification, petite tour à centre plein, en maçonnerie, surmonte les deux batardeaux, celui de la Lys et du Servoir qui alimentait les Airois en eau.

Le Bastion de Thiennes

Le Bastion de Thiennes comporte deux parties construites à deux époques différentes. La première partie a été construite en 1542-1543 sur ordre d’Adrien de Croy, gouvreneur d’Arois et sur les plans de Jehan d’Aire, dit ” l’Artésien “. Lorsque la ville d’Aire fut prise par les armées de Louis XIV en 1676, Vauban fit agrandir le bastion par J.B. Gourdon et Charles Robelin, ingénieurs du Roi de France. Le Bastion n’a plus que six mètres de hauteur, son fossé se situait six mètres plus bas. Il a été remblayé lors du démantèlement entre 1893 et 1896.

Le Fort Gassion

Après les terribles sièges de 1641, les Espagnols s’aperçoivent que la redoute de la Tête de Flandre est la piere d’achoppement de leur système défensif. Dès 1642, le Roi d’Espagne, Philippe IV, ordonne la construction d’un fort, le fort Saint-François, d’une puisssance de cinq canons. Mais en 1676, lors de la prise de la ville par Vauban, un capitaine français éteint la mèche que les Espagnols, avant d’évacuer, avaient allumée pour faire sauter le fort. Les français récupèrent donc une place stratégique importante car Louvis et les généraux de Louis XIV peuvent désormais débarquer leur artillerie, au Widdebrouccq, sur les berges de la Lys.

Les canons français sèmeront la terreur parmi la population airoise car la ville est en flamme. C’est sous la containte des civils que le commandant militaire espagnol et le mayeur accepteront une reddition rapide. En 1733, le fort Saint-François abrita un régiment d’invalides puis il fut transformé en 1815, en pénitencier militaire. C’est en 1872 qu’il prit l’appellation de fort Gassion. Actuellement, le site est occupé par les installations d’un centre équestre.

On peut encore observer des vestiges de la construction d’origine : Le porche d’entrée, le puits, le lavoir, la poudrière et quelques casemates. La façade de la chapelle a été démontée puis remontée pierre par pierre sur l’église de La Motte-au-Bois.

Le Monument aux Morts, place Jehan d’Aire

La statue réalisée en 1902 par Georges Engrand, un Airois d’origine, représente ” une femme du peuple tenant d’une main le drapeau national et de l’autre, une épée dans une attitude de fierté et d’audace “. Sur la face principale du piédestal, sont gravées les armes de la ville et une inscription : ” la ville d’Aire aux enfants morts pour la patrie “. Sur les faces latérales, sont inscrits les trente-neuf noms des soldats morts durant les guerres de Crimée, d’Italie, d’Algérie, de Madagascar et de 1870-1871… La statue érigée sur la place Jehan d’Aire est célébre dans la cité. En effet, cette femme du peuple à la poitrine opulente a détrôné le Bourgeois de Calais car la malice populaire ne connaît plus que la “place Marie-Totote”. Notez qu’un second monument aux morts se situe rue d’Isbergues. C’est d’ailleurs au pied de dernier que les différentes cérémonies commémoratives ont lieu chaque année.

Les Portes d’Arras et de Saint-Omer

Lors du démantèlement de 1893, le maire André Faucquette voulut concerver un monument rappelant la ceinture de murailles. C’est ainsi que la Porte d’Arras et la Porte de Saint-Omer ont été sauvées. Démontées puis reconstruites, mais accolées, elles forment un arc de triomphe sur le stade municipal. Cette reconstitution permet de mesurer l’étroitesse du tunnel d’accés traversant le rempart. Autrefois, l’exiguïté de l’entrée ne facilitait pas la circulation et le vendredi, jour de marché, les paysans des hameaux attendaient plusieurs heures avant d’entrer en ville.

Grâce aux nombreux détails topographiques contenus dans les comptes de la Ville (archives municipales) on peut comparer les sources médiévales avec les plans de l’époque moderne et montrer sans peine que le tracé des plans de Deventer et de Cœulre est celui du XVe siècle.

Les quatre grands accès à la ville étaient, à l’ ouest, la porte de Biennes au sud du Château; au nord, la porte de Saint-Omer vers le village de Saint-Martin; à l’est, la porte du Molinel derrière la collégiale Saint-Pierre, dite aussi Porte Notre-Dame car elle regardait vers l’église Notre-Dame hors les murs (cette église fut détruite en 1521 pour être reconstruite dans la ville, mais la porte en garda le nom jusqu’à l’époque moderne) ; au sud, la porte d’Arras.

Leur aspect est plus ou moins connu grâce aux comptes (par exemple pour le détail des travaux de 1429-1430 à la porte du Molinel). Elles comprenaient sans doute une ouverture encadrée de deux tours – il est question en 1413-1414 de l’une des tours de la porte d’Arras – mais ce n’ est pas sûr pour toutes ; ces tours, rondes, voûtées, avaient plusieurs pièces et une ” haute loge ” à l’étage pour abriter les veilleurs et pour entreposer armes et matériaux ; elles étaient couvertes de tuiles…

Le terrain marécageux de la plaine de la Lys explique que la tour reconstruite en 1429-1430 à la porte du Molinel exige des fondations sur pilotis ; on y emploie pour les assises inférieures du grès et plus haut des blanques pierres (du calcaire), mais surtout et naturellement de la brique : on acheta pour cet ouvrage 251 000 briques et, pour le mortier, 593 rasières de chaux et 260 carrées de sable. La porte proprement dite en bois, donnait sur un pont-levis que l’ on pouvait lever et abaisser au-dessus du fossé de la ville. L’entrée de ce pont était d’ ailleurs commandée par un ouvrage avancé en bois, sans doute plus ou moins important selon les lieux. Palis (palissades), bailles et barrières fermées…

C’est en fait le Lundi 17 Juillet 1893 que les travaux de démantèlement commencent. Ces travaux de démolition ont mis en évidence l’existence de vestiges des anciennes fortifications du XIVe siècle. A la porte de Saint-Omer, (attaquée par la pioche en Septembre 1893) on a retrouvé la base des 2 tours qui flanquaient l’ancienne porte démolie en 1585 et qui servaient de corps de garde. Elles étaient en pierre blanches. On a trouvé une salle souterraine de 4 mètres de diamètre et de 3 mètres de haut communiquant avec le rivage et ayant accès sous la porte de la ville. Derrière la Collégiale, les travaux ont permis de retrouver l’emplacement de l’ancienne porte du Molinel, démolie en 1678. Afin de conserver quelque souvenir du passé, le maire André Faucquette obtient, le 29 Octobre 1897 de son conseil, que soient reconstruites, place des Fêtes (actuel parc des sports) les portes d’Arras et de St Omer.